lundi 6 février 2012

Deux semaines en Inde avec le Sari Rose

Tout a commencé il y a deux semaines, je vous racontais ici mes impressions au début de ma lecture. Vous pouvez aller le lire, parce que ce que j'y dis n'est pas répété dans cet article-ci : ils se complètent. Mes impressions ont beaucoup évoluées depuis.
Je m'attendais à une histoire d'amour passionnée, un roman à l'eau de rose, et au lieu de cela, j'ai eu l'immense plaisir de trouver là un livre retraçant l'histoire de l'Inde depuis les années 1970 sous l'angle politique. On m'aurait dit ça avant de le lire, ça ne m'aurait pas forcément emballée. Et pourtant, j'ai été subjuguée. Dès le début du livre, l'auteur nous plonge dans la tristesse, le danger, la violence qui entoure la famille des Nehru-Gandhi, la plus célèbre de l'Inde, héritière spirituelle du Mahatma Gandhi et héritière de sang de Jawaharlal Nehru, la grande figure de l'Indépendance de l'Inde. Rajiv, l'époux de Sonia Gandhi, à la veille de la fin des élections, alors qu'il allait sans doute devenir Premier Ministre de l'Inde, vient de mourir lors d'un attentat-suicide d'une fanatique pendant un meeting. Sonia est dévastée, et on ne peut s'empêcher de prendre d'affection ce personnage qu'on nous présente de façon brusque, brutale, qu'on ne connait que de nom, vaguement. Et pourtant, cette femme est l'une des plus puissantes du monde aujourd'hui. Sonia Gandhi est italienne de naissance, mais indienne de cœur. Lorsqu'elle a épousé Rajiv par amour, elle a accepté de respecter la tradition indienne qui offusquerait plus d'une occidentale : la mariée entre dans la famille de son époux, elle vit avec ses beaux-parents, se conforme à leurs désirs (jusqu'au choix du nom de ses enfants). Et elle n'a pas épousé une famille ordinaire, mais la famille la plus célèbre, celle qui donne de l'espoir à des millions de paysans dans les contrées les plus reculées du pays.

On apprend les origines de certains massacres qui sont vaguement venus nous toucher, dans un journal de 20h un jour, mais qui ont profondément meurtris les populations et ont détruit le patrimoine séculaire du pays : "la vie humaine en ce moment n'a plus aucune importance : ce qui compte en ce moment est d'en finir avec les symboles du voisin musulman (...) en un seul après-midi, un monument qui avait été le témoin d'innombrables convulsions de l'histoire, qui avait supporté les pluies battantes de plus de quatre cents moussons, est réduit à l'état de décombres par la fureur de quelques fanatiques." 

J'ai été blessée par ces massacres, scandalisée par les inégalités et les injustices, outrée par la soif de pouvoir des plus hauts dignitaires, des plus hauts dirigeants de ce pays. J'ai été entraînée auprès d'Indira et des siens pour prendre des décisions difficiles, pour déclarer un état de guerre, pour prendre des mesures drastiques afin de sortir le pays de sa tradition sclérosée.
J'ai découvert à quel point il pouvait être dangereux de vivre quand on s'appelle Gandhi. Rajiv disait à ses enfants : "Vous devez apprendre à vivre en sachant qu'un jour nous devons tous mourir", en faisant référence à sa mère Indira, menacée de mort par des extrémistes. De même, Indira disait à son autre fils Sanjay : "Souviens-toi, tout ce qui fait mal rend plus fort. Beaucoup de gens ne la supportent pas, mais un petit nombre de gens grandissent dans la souffrance. Sois fort dans ton corps et dans ton âme et apprends l'endurance". Des gens sages, qui se sont dévoués à une cause qui leur paraissait juste : sortir l'Inde de sa misère, la hisser sur la scène internationale. En plus d'être sage, cette famille est humble, bienveillante, et aime profondément le peuple. 

J'ai ressenti, à chaque mot, l'âme de l'Inde, celle que j'avais sentie en y allant en mai dernier. Cette impression d'y avoir toujours vécu. Cette âme qui est si attirante, si profondément humaine et belle, empathique, dévouée, aimante. J'ai retrouvé les visages creusés mais souriants, pleins d'espoirs. Les couleurs, les odeurs aussi. J'ai vu l'Inde à travers les yeux de ceux qui ont donné leur vie pour elle, sacrifiant leur confort, sacrifiant leur bonheur. Ainsi, quand Sonia essaye d'empêcher son mari Rajiv d'entrer en politique selon le désir d'Indira, elle sait bien que : "Quel poids pouvait avoir le bien-être bourgeois d'un couple et de ses deux enfants comparé au destin d'une contrée immense comme l'Inde ? Ces forces puisaient dans la longue histoire de la nation, elles oeuvraient au nom d'une population de plus de sept cents millions de personnes."

Des proportions gigantesques, des conditions de vie extrêmes, et pourtant, de la beauté. Voici un passage qui m'a beaucoup touchée : "On était au cœur de l'Inde éternelle, celle qui envahissait les ruelles autour de la Grande Mosquée, avec ses étals de vêtements bigarrés, ses marchands de fruits, de gâteaux, de lanternes, de piles électriques, ses cireurs de chaussures, ses coiffeurs en pleine rue, ses ateliers sombres où des enfants tissaient des tapis ou fabriquaient des instruments de précision... une explosion de vie, un chaos exotique et tapageur, un tourbillon de bruits, de couleurs et d'odeurs qui grisaient Sonia (...) pour rappeler combien l'Inde était un vieux pays. Nehru ne l'avait-il pas décrite comme 'un antique palimpseste où des couches conjointes de pensées et de rêveries ont laissé leur marque sans que personne ait pu les effacer ou occulter ce qui avait été inscrit en premier lieu'". 

Faire une critique de ce livre m'est très difficile, car je n'ai pas encore réussi à mettre des mots sur toutes ces vagues de sentiments qui m'ont submergée en permanence. J'ai adoré ce livre, parce que j'ai reconnu les lieux, j'ai retrouvé des choses que je croyais enfouies dans la mémoire de mon cœur. Mais tout est encore vif, pur, brut, comme lorsque je mettais le pied à New Delhi pour la première fois. Je me suis retrouvée avec cette part de moi que j'ai laissée en Inde. De la magie.

L'avez-vous lu ? Je serais curieuse et très intéressée de recueillir vos témoignages...même si vous ne l'avez pas lu : vous fait-il envie ? Pourquoi ?
Ici vous trouverez mon autre article à ce sujet.

J'ai lu ce livre en même temps que DouceurLittéraire, dont vous trouverez le témoignage sur son blog.
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24 commentaires:

  1. Non, je ne l'ai pas lu mais tu en parles bien et ça fait envie!

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    1. Merci! Je pense que ça te plairait, même si tu n'as plus le temps de lire des romans!

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  2. Oui ce livre me fait envie! J'ai toujours été très attirée par la culture indienne et asiatique et j'aime lire des romans sur ses pays et les destins de sa population! Je note donc ce livre dans ma liste des livres à lire! Merci pour ton article!

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    1. Oui, si tu aimes ça, ce livre devrait te parler alors... N'hésites pas, même dans plusieurs mois, à venir me donner ton avis, ça serait avec grand plaisir que je lirai ce que tu aura ressenti lors de cette lecture!

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  3. Je ne connaissais pas ce livre mais je pense que c'est mieux de le lire, comme toi, après avoir été en Inde... Merci pour ce joli billet et bonne journée Blanche!

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    1. Il n'aurait peut-être pas eu un impact si fort si je l'avais lu avant d'aller en Inde, mais j'ai lu d'autres critiques, notamment de DouceurLittéraire, de gens qui n'y sont pas allés et qui pourtant ont aimé ce livre... je pense que ce qui compte est l'écho que cela fait en toi.
      Je te souhaite également une bien jolie journée!

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  4. J'ai lu ce livre en Septembre et je suis restée comme toi, complètement bouleversée par ce récit à la fois horrifiant d'une nation où les dirigeants n'ont cure de leur peuple, mais aussi touchée par la force de cette famille et de Sonia qui ont tout sacrifié pour aider ce pays qui m'attire tant.

    Je te conseille un autre livre de Javier Moro, Une Passion Indienne.

    Même si l'aspect politique est moins présent, le récit est toujours aussi envoûtant et le destin de ses personnages (réels à nouveau) vraiment passionnant.

    Bonne lecture :)

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    1. Merci beaucoup pour ce témoignage ! Je suis bien d'accord avec ce que tu dis en tout cas!
      J'ai entendu parler de "Une Passion Indienne" sans savoir de quoi il s'agit, je vais me renseigner, ça me fait envie!!

      Bonne journée!

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  5. Ce livre est sur ma table de nuit depuis quelques semaines. Je ne l'ai pas encore ouvert mais à te lire, ça me donne envie. Merci :-)

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    1. Ah, contente que ça t'ait peut-être donné un petit coup de pouce pour te décider à le lire, je serais très contente de savoir ce que tu en auras pensé, comme pour Inès!

      A bientôt et merci de ton commentaire!

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  6. Je suis allée en Inde 1 mois il y a 27ans...Et je n'oublierai jamais les odeurs ,les couleurs ,les bruits,les émotions .Ce livre me donne envie par ton engouement.

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    1. Je te souhaite donc de le lire s'il te fait envie, encore mieux, je te souhaite de retourner en Inde si tu peux, a moins que l'image que tu t'en es faite il y a 27 ans ne soit trop belle pour risquer de la ternir!

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  7. J'en avais entendu parler et je pense que je vais l'acheter très bientôt et me plonger dans cette lecture ;)
    Merci pour tes bons conseils Blanche!

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  8. J'ai reçu ce livre pour mes 21 ans. Depuis 6 mois, il attend dans ma PAL. Je pense qu'il va remonter plus vite que prévu. Je vais vite le lire pour revenir en parler ici.

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    1. Ah, je suis ravie que mon article te donne envie de le lire au plus vite!
      N'hésites pas a revenir par là!
      A bientôt!

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  9. Je me dis que ce livre a forcément une dimension supplémentaire pour tous ceux qui ont un jour été dans ce pays... C'est fou, et je me dis qu'il faudrait peut être le lire une fois que j'aurais été en Inde. J'aurais peur de ne pas ressentir toutes les émotions que tu décris...

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    1. Tu ressentira peut-être quand même quelque chose de très fort en le lisant, mais c'est vrai que si tu as envie d'aller en Inde un jour, peut-être faut-il attendre ce moment-là pour le lire...
      C'est toi qui ressent ce qui est le mieux!
      Je suis envoutée par l'Inde et le voyage en ce moment, c'est peut-être aussi pour ça que j'ai ressenti si fortement les choses...

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  10. Oui c'est une très belle invitation au voyage que tu nous donnes, là Blanche !!

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  11. On me l'a conseillé il y'à quelques temps ta chronique me donne envie de le lire

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  12. J'avais lu un autre livre de cet auteur que j'avais trouvé un peu mièvre, il semble que celui-c ne le soit pas... Alors pourquoi pas... Ton billet donne très envie

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